Les prérogatives du Président de la République, ainsi que celles du gouvernement dans la conduite de la politique minière du Congo (1ère partie)

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INTRODUCTION

Depuis la constitution de 2006, plus particulièrement depuis l’avènement du régime du nouveau code minier[1], nous sommes confrontés en tant que chercheurs et intellectuels congolais, a des réalités complexes et conflictogènes, dans plusieurs secteurs de la vie juridico-économique les évènements semblent nous dépasser, tel que dans le secteur minier.

Retenons d’entrée de jeux que nos gouvernements depuis 1960, comme d’autres gouvernements de par le monde, oscillent entre une tradition interventionniste et des poussés libérales[2]. En RDC cette oscillation résulte de la difficulté qu’ont nos textes de loi à définir clairement la forme que doit prendre l’État.

Cette problématique demeure à ce jour un sujet très controversé, ce qui rend la compréhension des attributions des uns et des autres parfois très complexes. Néanmoins nous allons nous atteler à la tâche, avec le sentiment d’un devoir patriotique.

Cette situation de conflits d’attribution se décline dans presque tous les secteurs de la vie publique. Récemment le chef de l’État a émis le désire assumé, mais peut-être brusque et mal coordonné de revisiter les contrats miniers signés avec la géante « Gécamines[3] », durant les 20 dernières années, pour flou dans les libellés tout comme dans le fond !

La partie congolaise crie à l’arnaque ! ainsi que plusieurs autres voix arguent que la république, par la « Gécamines », a été la grande perdante dans tous ces contrats, et qu’il faudrait alors tout revoir, et si concordat il y a, tant pis!

Cette réaction partagée entre la république démocratique du congo et certaines organisations internationales, est motivée par le fait que, des zones d’ombres demeurent dans la gestion de la chaine de valeur des industries extractives, allant de la collecte des recettes à la gestion de ces dernières.

Ces faits ont été mis en évidences par la fondation Carter[4] qui exhortait en janvier 2017 la RDC, Freeport et Lundin à publier le contrat « TFM[5] » révisé et à déclarer les paiements versés à l’entreprise publique minières « Gécamines ».

Global Witness[6] exigeait pour sa part la publication de la propriété effective des compagnies pétrolière gazières et minières, car une récente évaluation indiquait qu’il existait des défis de taille pour se procurer ces publications, ces défis sont dû à l’absence de l’exigence légales faites aux compagnies de publier les noms de leurs propriétaires effectifs[7].

Le dernier et non le moindre, l’Africa Progress Panel[8] nous apprend que la RDC, aurait perdue entre 2010 et 2012 pas moins de 1,6 milliard de dollars américain en recette, à cause de la sous-évaluation des actifs miniers cédé a des société Offshore[9].

Dans la vie politique de ces derniers jours, le conflit d’attribution a apporté son lot de malaise et de complexité, Il se constate qu’une montée de vagues « professionnel » dites de « Fake News », s’installe dans le chef des acteurs politiques, pire encore elle s’installe même au cœur de la machine administrative et politique de l’État, ce qui laisserait présager le pire.

Un discours et même une méthode de travail complexés, devient le mode de fonctionnement de la pratique politique, on répète ce que l’on a entendu maintes fois et on finit par y croire, elles deviennent des évidences dont on ne discute plus le fondement, ces idées reçues sont d’autant plus enracinées que ceux qui les véhiculent le font souvent en toute sincérité et son honnêtement convaincu de ce qu’ils avancent.

Le malaise est donc palpable !

Malaise qui pousse une part non négligeable d’intellectuels Congolais, à réclamer si pas à exiger, des réformes profondes dans tous les secteurs, jusque même à l’extrême, à savoir : une révision constitutionnelle.

Récemment, le secteur minier a subi des aménagements juridiques importants par le décret N°38 /2003 du 26 mars 2003 portant Code Minier tel que modifié et complété par le décret N018/024 du 08 juin 2018 qui règlemente les matières connexes non expressément définis ou réglées par les dispositions de la loi de 2002, ainsi elle fixe les modalités et les conditions d’application de cette dernière.

Mais cette loi apporte le même conflit que celui de la constitution, il s’agit du conflit d’attributions.

Dans presque tous les domaines de la vie publique, télécom, industrie, énergie, il y a un réel souci d’attribution des prérogatives claires, des différents acteurs de la vie administrative et politique, réalité qui n’est pas propice à favoriser le développement rapide et cohérent, que souhaite les politiques qui se succèdent depuis 2006.

Ce constat nous indispose dans notre idéal républicain, qui se perd quelques fois, faces à des enjeux et défis de plus en plus complexes, qui semblent de plus en plus difficiles à décrypter, au regard d’un monde en plein mutation.

Que donc faire face aux enjeux de la mondialisation et a ses conséquences indubitablement attachées au sous-sol congolais[10] ? Que devrons nous retenir de la loi du 9 mars 2018 dite règlement minier ?

Quel est le rôle du Président de la République ou celle du Premier ministre et de son Gouvernement tel que décrit dans le code minier ?

Quelles sont les innovations majeures de la loi du 9 mars 2018 ?

Au vus de tous ces questionnements, l’on comprend aisément qu’il est de plus en plus dangereux de renoncer à comprendre le fonctionnement de nos institutions, de laisser cette tâche ardue et technique, être diligentée par des esprit approximatifs, au gré de quelques politiques et influenceurs des temps moderne.

Le bilan ainsi que le questionnement dressé, le devoir nous incombe particulièrement à nous chercheurs juristes, mieux encore à nous Auxiliaires de justice « AVOCAT[11] », de lever le voile de l’ignorance patenté collective, corolaire de l’improvisation théâtrale de nos politiques depuis 1960, aux fins de satisfaire l’intérêt de plus en plus grandissant de nos compatriotes, sur la façon dont la chose publique est administrée.

Pour lever le floue grandissant, notre devoir devient celui d’éclairer les chercheurs, les politiques et nos compatriotes sur le rôle de chaque partie prenante à la gestion du pays, dans la politique minière de notre État, à savoir le rôle du chef de l’État et celui du gouvernement.

I. PREROGATIVES ET ATTRIBUTIONS : Du Président de la République ; Du Premier Ministre et de son Gouvernement dans la Politique Minière du Pays.

Il est utile ici de rappeler une citation de Labetoulle[12], dans son ouvrage qui fait autorité dans le monde scientifique, intitulé le juge administratif : quelques remarques ! dans lequel il développe l’argument selon lequel : l’action de l’administration est gouvernée non par la règle de l’autonomie de la volonté mais par le principe de légalité, ce qui implique que l’administration est soumis au principe de légalité et qu’elle ne peut agir que conformément à la loi et, plus généralement au droit.

C’est sur ce ton qu’est lancé la description des rôles de chaque partie prenante dans la régulation du secteur minier en RDC.

1. LE RÔLE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Le code minier de 2002[13] donnait la quasi-totalité des prérogatives au Président de la République, cependant la loi du 9 mars 2018 a transmis l’ensemble de ses prérogatives au premier ministre[14].

Néanmoins le chef de l’État détient de manière générale, des compétences étendues dans le secteur des mines au regard de ses attributions et prérogatives constitutionnelles[15].

2. LE RÔLE DU PREMIER MINISTRE

La loi du 09 mars 2018[16] en ses article 9 attribue au premier ministre la compétence pour[17] :

  • Édicter ou modifier le règlement minier pour application de son code.
  • Classer, déclasser ou reclasser les substances minérales en mines ou en produits des carrières et inversement,
  • Confirmer la réservation d’un gisement soumis à l’appel d’offre faites par arrêté du ministre
  • Déclarer une substance minérale substance minéral stratégique
  • Décréter une zone interdite aux travaux minier, a l’activité minière ou aux travaux des carrières
  • Déclarer le classement ou le déclassement d’une substance minière en substance réservée
  • Délimiter ou classer une portion du territoire en aire protégé

3. LE RÔLE DU MINISTRE DES MINES

Le ministre des mines[18], comme les autres membres du gouvernement congolais, dispose à la fois, des fonctions politiques, dans lesquelles il participe à la définition de la politique du gouvernement et des fonctions administratives, dans lesquelles, comme ses collègues il est chef de son département ministériel, fonction qui entraine d’importantes attributions administratives au profil du ministre.

Au regard de l’article 10 du code minier le ministre de mine dispose des pouvoir très important tels que :

  • Le pouvoir d’octroyer ou de refuser les droits miniers ou de carrière pour les substances minérales autres que les matériaux de construction à usage courant.
  • Retirer les droits miniers ou de carrière
  • Donner actes aux déclarations de renonciation aux droits miniers et ou de carrières et acter l’expiration de droit minier et de carrières
  • Autoriser les exportations des minerais à l’état brut
  • Instituer les zones d’exploitation artisanale
  • Agréer et retirer l’agrément des comptoirs d’achat des produits de l’exploitation artisanal
  • Exercer la tutelle des institution, organisme publics ou paraétatique se livrant aux activités minières et aux travaux de carrière.
  • Réserver le gisement à soumettre à l’appel d’offre
  • Approuver la constitution des hypothèques
  • Accepter ou refuser l’extension d’un titre minier ou de carrière aux substances de traitement de transformation des produits d’exploitation artisanal
  • Proposer au président de la république le classement, le reclassement ou le déclassement des substances réservée, des substances minérales classées en mine ou en produit de carrière et inversement ainsi que des zones interdites
  • Établir une zone d’interdiction
  • Nommer et convoquer les membres de la commission interministérielle chargée de sélectionner les offres relatives à l’exploitation d’un gisement soumis à l’appel d’offre ainsi que les membres de la commission interministérielle chargée d’examiner les listes de biens à importer pour les activités minières
  • Agréer les mandataires en mine et de carrière, les bureaux d’études environnementales
  • Concevoir et proposer au président de la république du pays dans le secteur des mines et conduire celle-ci conformément aux dispositions du code minier
  • Assurer et coordonner la promotion de la mise en valeur optimale des ressources minérales du pays, ainsi que la promotion et l’intégration du secteurs miniers aux autres secteurs économiques du pays
  • Exercer conjointement avec le ministre des finances dans ses attribution la tutelle du cadastre minier
  • Veiller à la coordination des activités du secteur minier et des autres services dans l’octroi, la gestion et de l’annulation des droits minier et des carrières
  • Exercer en harmonie avec les autres ministère ou services la tutelle des institution, organisme publics ou paraétatique se livrant aux activités minières et de travaux de carrière la protection de l’environnement et de la lutte contre la fraude, conformément aux dispositions du code minier
  • Soumettre les travaux de recherches et d’exploitations des mines et des carrières ainsi que leurs dépendances respectives à la surveillance administrative technique économiques et sociale conformément aux dispositions du code minier
  • Conserver, centraliser, et organiser la circulation de l’information du secteur minier
  • Organiser l’encadrement de toutes les exploitations minières ou des carrières artisanales ou semi-industrielle en vue de promouvoir l’amélioration de leur rentabilité ainsi que les techniques pour la conservation et la gestion de la mine suivant les règles de l’Art
  • Appliquer d’une manière générale le code minier et ses mesures d’applications

4. LE RÔLE DU MINISTRE DES FINANCES

Le rôle principal du ministre des Finance[19] est celui de la mobilisation des ressources[20].

Ainsi donc :

  • Le ministre des finances et celui des mines contresignent tous les arrêtés interministériels fixant le régime de la taxation unique des activités minières.
  • Approuve conjointement avec le ministre de mines, les listes des biens à importer sous le régimes douanier privilégié prévus par le code minier
  • Il fixe conjointement avec le ministre des mines, le taux des droits, taxes et redevances applicables aux activités minières
  • Il vérifie tous les paiements effectués et ordonne la répartition de la redevance minière, conformément aux dispositions de l’article 527 du règlement minier.

5. LE RÔLE DU MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT

Le ministère de l’environnement[21] occupe la place la plus importante dans la gestion du secteur minier en RDC, ceci tient de deux raisons cumulatives :

  • Du fait que l’industrie minière est la source la plus importante des revenus pour le budget national.
  • Tenant compte du fait que la protection de l’environnement est de la prérogative du ministère de l’environnement.

Donc les questions liées à la protection de l’environnement dans le domaine de l’exploitation minière relèvent donc de la compétence partagée de l’Agence Nationale de la Protection de l’Environnement[22] et de la direction de la protection de l’environnement qui est l’organe qui délivre les certificats environnementaux des projets miniers, sous la tutelle du ministre de l’environnement[23]

(Suite : code minier : quid des innovations de la loi de 2018)


[1] Décret n0038/2003 du 26 Mars 2003 portant règlement minier tel que modifié et complète par le Décret n018/024 su 08 juin 2018

[2] Pour la plupart des État du continent cela est acquis, cependant pour la RDC deux blocs se sont formés depuis l’accession a l’indépendance, les uns partisans d’un État unitaire et les autres partisans d’un État fortement décentralisé.

[3] Société générale des carrières et des mines, est une société commerciale de droit privé détenue à 100 % par l’État de la république démocratique du Congo qui concentre ses activités autour de la prospection, la recherche et l’exploitation de réserves minières dans l’ancienne province du Katanga

[4] Sonia.elison@cartercenter.org programme de gouvernance des industries Extractives en RDC. Daniel.mule@cartercenter.org

[5] Tenke fungurume mining concerne la valeur de trois mines contiguës de cuivre et de cobalt à ciel ouvert, ainsi que la construction et l’exploitation d’une unité de traitement de minerai d’une capacité de production annuelle de 115 000tonnes de cathodes de cuivre et de 8000 tonnes de cobalt, le gisement de Tenke fungurume constitue l’une des plus importantes réserves de cuivre et cobalt connus au monde. Les concessions recèlent d’abondantes quantité de minerai à haute teneur qui pourraient dépasser les 103 millions de tonnes actuellement estimés. Ce minerai a une teneur moyenne en cuivre de 2,1% et 0,3% de cobalt. Les gisements situés dans deux concessions d’une superficie totale de 1473 km2 dans la province du Katanga en République Démocratique du congo

[6] « Des sanction, mine de rien » une enquête conjointe de global Witness et de la plateforme des lanceurs d’alerte PLAAF.

[7] Rapport l’ITIE de 2015, section 7 et rapport ITIE, 2014, paragraphe 4.3.6.

[8] L’Africa Progress Panel es panel d’expert dirigé par Koffi Annan un ancien secrétaire général des nation unies.

[9] Société extraterritoriale enregistré à l’étranger dans un pays ou le propriétaire n’est pas résident, a la différence ici que la société n’exerce aucune activité économique dans le pays où elle est domiciliée.

[10] Rapport de la banque mondial n112733-ZR » RDC diagnostic pays », mars 2018, P.2.

[11] Auxiliaire de justice, ordonnance loi 79-028 du 28 septembre 1979

[12] D.LABETOUILLE, « la qualification et le juge administratif : quelques remarques », Droit 1993, P.35

[13] La loi du 11 juillet 2002 portant code minier

[14] Article9, loi n18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la Loi n007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier

[15] En raison du caractère hautement stratégique des ressources naturelles, le Président de la République qui est censé avoir une vue d’ensemble sur les activité économiques et minière du territoire national, reste généralement compètent pour agir directement aux fins d’orienter la politique du secteur en vertu de ses prérogatives constitutionnelles

[16] Loi du 9 mars 2018 Op.cit.

[17] Il est a noté que la loi ne précise pas si les actes du premier ministre doivent être discutés préalablement et approuvés en conseil de ministre, pour en tenir informé le président et l’ensemble du gouvernement.

[18] Article 10 loi du 11 juillet 2002 portant code minier

[19] La plupart des pouvoirs et attributions du ministre des finances dans le secteur minier, sont des compétences partagées avec les autres ministères, ce qui fait que son champ d’action est donc conditionnel.

[20] Selon l’ordonnance loi n17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministres en RDC

 

[22] Décret n14/030 du 18 novembre 2014

[23] Le ministère de l’environs et quelque peu la police de discipline environnementale dans le secteur minier, dont le rôle est de contrôler et recadrer les techniques et méthodes de travails dans un secteur qui s’il n’est pas suffisamment contrôler peut avoir des conséquences parfois irréversibles sur l’environnement et l’écosystème.

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