Il s’est tenu à la Cour constitutionnelle de la RDC un tirage au sort en date du mardi 10 mai 2022 aux fins du renouvellement des membres de cette haute juridiction du pays, au terme duquel deux juges ont vu leurs fonctions cessées, en l’occurrence, Dieudonné KALUBA DIBWA et Prince FUNGA.
Ce renouvellement trouve son fondement juridique non seulement dans la Constitution congolaise du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour, spécialement à l’article 158 alinéa 4, mais aussi dans la Loi-organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, spécialement en son article 6 alinéa 2.
Il est donc question dans le présent article d’éclairer la lanterne sur le déroulement de ce tirage au sort.
L’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle étant fixés par la Loi-organique sus visée, celle-ci fixe autant la question liée au déroulement du tirage au sort du renouvellement des juges de cette haute juridiction de la République démocratique du Congo.
L’article 6 de cette Loi-organique précise d’abord que : « lors de deux premiers renouvellements, il est procédé au tirage au sort du membre sortant par groupe pour les membres initialement nommés ».
Ensuite, l’article 116 de la même Loi-organique renchérit : « Sans préjudice des dispositions de l’article 6 de la présente Loi organique, les membres de la première formation de la Cour, tirés successivement au sort par groupe de trois selon leur autorité de désignation, auront, à titre exceptionnel, respectivement un mandat de trois, six et neuf ans. Le Greffier en Chef procède, au cours d’une séance publique, au tirage au sort des noms des membres de la Cour appelés à être remplacés. Ces noms sont placés par catégorie de désignation dans trois urnes différentes».
Pour résumer les termes de ces dispositions légales, il convient de noter autrement ce qui suit.
D’emblée, le tirage au sort à organiser pour le renouvellement de la Cour constitutionnelle est une modalité de renouvellement fondée sur le hasard.
Bien plus, le renouvellement de cette Cour se fait chaque trois ans pour d’une part, doter celle-ci de nouveaux visages pour une nouvelle dynamique dans la marche de cette institution judiciaire. Et d’autre part, la justification de ce renouvellement semble être motivée par des fins politiques.
Il se peut en effet qu’il soit nécessaire de faire évoluer la composition de la Cour constitutionnelle selon la dynamique du système politique en place. Les mandats politiques au niveau national (Président de République, députés nationaux et sénateurs) et provincial (députés provinciaux, gouverneurs et vice-gouverneurs de province) étant limité à cinq ans, il a fallu instituer une règle visant à recomposer la Cour constitutionnelle au moins une fois pendant la durée de ces mandats et faire respirer le système démocratique. Sinon, on pourrait courir le risque d’avoir les mêmes juges à la Cour constitutionnelle qui, si la démocratie est en crise, renforceraient la dictature si tant est qu’ils entrent en collision avec le régime au pouvoir.
Cela, étant, notons par ailleurs que l’autorité compétente pour organiser ce tirage au sort, c’est le Greffier en chef de la Cour constitutionnelle. À ce sujet, d’aucuns tenteraient de dire que le Président de cette Cour est mieux placé pour organiser ce tirage au sort : il est donc hors de question, car une telle hypothèse mettrait de toute évidence le Président de la Cour constitutionnelle dans une situation d’être à la fois juge et partie.
Le Greffier en chef qui est donc compétent doit procéder suivant une certaine formalité visant à garantir la transparence de la procédure. D’où l’organisation d’une séance publique de tirage au sort est de rigueur, et ce, en disponibilisant trois urnes dans la salle abritant cette séance. À ce point, même si la Loi ne le dit pas, on peut supposer qu’en principe cette séance publique devra être sanctionnée par l’établissement d’un procès-verbal, signé par le Greffier organisateur. Il serait souhaitable que les juges concernés soient également présents, ou à tout le moins représentés, et signent le même document.
L’œuvre humaine étant faillible sinon imparfaite, l’hypothèse d’une procédure viciée est possible. À cet égard, il est regrettable que la Loi n’ait pas prévu une voie de recours en cas de contestation du déroulement et du résultat du tirage au sort. Il n’en demeure pas moins vrai que l’irrégularité du tirage au sort serait un vice de procédure fondant toute partie lésée à vouloir par exemple la reprise de l’opération contestée, et ce, en guise de réparation du préjudice subi.
Par ailleurs, la même Loi ne précise pas ce qui doit se passer ou la sanction à laquelle il faudrait s’attendre quand ce renouvellement est délibérément retardé ou n’a pas lieu, soit parce que le Greffier en chef n’a pas organisé le tirage au sort en question, soit parce que les autorités de désignation ou de nomination des juges constitutionnels ne l’ont pas fait dans le délai. Ainsi, le législateur devrait couvrir toutes ces faiblesses de la loi pour un meilleur éventuel tirage au sort.
Par autorité de nomination, il faut entendre le Président de la République via l’Ordonnance dûment signée. Tandis que l’autorité de désignation sous-entend le groupe d’où proviennent les juges. Ces groupes sont au nombre de trois à raison de trois principales institutions de la République, à savoir : le Président de la République, le Parlement et le Pouvoir judiciaire.
Concrètement, parmi les neuf juges qui composent la Cour constitutionnelle, trois sont désignés à l’initiative du Parlement réuni en congrès et enfin, trois à l’initiative du Conseil Supérieur de la Magistrature qui est l’organe de gestion du Pouvoir judiciaire.
Précisons que le tirage au sort ne concerne que les deux premiers renouvellements de la composition de la Cour constitutionnelle, tandis que pour le reste, la règle, c’est le renouvellement à l’expiration du mandat des juges concernés.
Cela veut dire que pour le premier tirage, il faudrait tirer au sort les trois juges selon les trois composantes. Et quant au deuxième tirage, il se ferait plutôt sur les six premiers juges ayant réalisés six ans.
Enfin, soulignons que le membre de la Cour nommé en remplacement de celui dont les fonctions ont pris fin avant terme est pleinement en droit d’achever le mandat de ce dernier. Toutefois, il peut être nommé pour un autre mandat s’il a exercé les fonctions de remplacement pendant moins de trois ans.