Suspension des quelques Bourgmestres de la Ville de Kinshasa : Quid de la légalité de la procédure

Partager

En date du 07 février 2020, les bourgmestres des communes de Kimbanseke, Lingwala, Matete, Ndj’ili, Ngaba, Ngaliema, Ngiri-Ngiri et Nsele ont été suspendus par le Gouverneur de la Ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila Mbaka pour n’avoir pas respecté les instructions au sujet de l’assainissement de la ville de Kinshasa.  A cet effet, la procédure suivie par le patron de la Ville de Kinshasa pour arriver à suspendre ces autorités communales est-elle légale et régulière ? Est-il compétent pour décider de cette suspension dès lors qu’il existe une autorité de tutelle de ces gestionnaires des entités municipales au niveau du Gouvernement central ?

 La réponse à ces interrogations fait l’objet de la présente analyse dont il est question de circonscrire le cadre juridique régissant les bourgmestres et leurs adjoints en RDC (1), de présenter leur autorité de tutelle (2), de parler sur la mainmise du Gouverneur de Province sur leurs actes (3), et enfin, se focaliser sur la légalité et régularité de la Procédure suivie par le Gouverneur de la Ville de Kinshasa pour parvenir à suspendre les Bourgmestres (4).

  1. Cadre juridique régissant les Bourgmestres et leurs Adjoints

 Les Bourgmestres et leurs Adjoints sont soumis depuis l’avènement de la Constitution du 18 février 2006 telle révisée à  ce jour qui, du reste, a opté pour la décentralisation comme mode de gestion des certaines entités territoriales de la République, à un régime électoral strictement encadré par la loi. Ils sont régis par la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces. A ce jour, il s’agit donc là du cadre juridique principal.

Aux termes de l’article 56 de la loi sus-évoquée, « le Bourgmestre et le Bourgmestre-adjoint sont élus au sein ou en dehors du conseil communal dans les conditions fixées par la loi électorale ».

A en croire l’article 199 de la loi électorale « le Bourgmestre et le Bourgmestre adjoint sont élus sur une même liste au scrutin majoritaire à deux tours par les conseillers communaux, au sein ou en dehors du conseil, pour un mandat de cinq ans renouvelable ».

En effet, étant donné que le contexte factuel offre un tableau marqué par le manque d’organisation des élections locales, municipales et urbaines depuis 2006, l’article 126 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 cité ci-haut a renvoyé, à titre transitoire, la prise en charge du statut de certaines autorités administratives au cadre juridique du décret-loi n°082 du 02 juillet 1998 portant statut des autorités chargées de l’administration des circonscriptions territoriales.

Ainsi, l’article 126 de la loi organique ci-dessus prévoit que « en attendant l’organisation des élections urbaines, communales et locales  par la Commission Electorale Nationale Indépendante instituée par la Constitution, les autorités des différentes entités territoriales décentralisées actuellement en poste sont gérées par le décret-loi n°082 du 02 juillet 1998 portant statut des autorités chargées de l’administration des circonscriptions territoriales ».

Par ailleurs, parmi ces autorités, les points 5 et 6  de l’article 1èr du décret sus-rappelé citent entre autres les bourgmestres et les bourgmestres adjoints. C’est ainsi que, l’alinéa 1èr de l’article 3 dudit décret prescrit que « sous réserve de ce qui sera dit à l’alinéa 2 ci-dessous, les autorités visées aux points 1 à 6 de l’article 1er sont nommées par le Président de la République sur proposition du Ministre des Affaires intérieures ».

Donc, en l’absence des élections dûment organisées en RDC, les bourgmestres et leurs adjoints sont nommés que par le Président de la République, Chef de l’Etat.

  1. Autorité de tutelle des bourgmestres et leurs adjoints

Le décret du 02 juillet 1998 institue le Ministre de l’intérieur et sécurité comme autorité de tutelles des entités territoriales décentralisées. C’est ce qui ressort de la lecture de l’article 7 qui dispose que « le Ministre des Affaires intérieures peut, par arrêté motivé, suspendre toute autorité chargée de l’administration des circonscriptions territoriales, pour compromission dans l’exercice de ses fonctions ou manquement aux devoirs de sa charge ».

  1. Les Gouverneurs de Provinces ont-il une mainmise sur les Bourgmestres et leurs Adjoints ?

Certes, les Gouverneurs de Province ont une mainmise sur les Bourgmestres et leurs Adjoint en représentation de l’Etat en Province en vertu de l’article 63 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces qui dit expressément que « le Gouverneur de Province représente le Gouvernement central en Province. Il assure, dans ce cadre, la sauvegarde de l’intérêt national, le respects des lois et règlements de la République  et veille à la sécurité  et l’ordre public dans les provinces ».

A cet effet, les Gouverneurs ont reçu également compétences à l’article 64 de la loi ci-dessus, de coordonner et superviser tous les services qui relèvent de l’autorité du pouvoir central et dans les matières exclusives du Gouvernement Central.

Les articles 95 et 96 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 sur les entités territoriales décentralisés, reconnaissent les Gouverneurs comme autorités représentant légalement l’autorité de tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisés  en exerçant un contrôle a priori et a posterio.

Pour ainsi affirmer que, les Gouverneurs de Province sont des représentants légaux du Gouvernement Central en Provinces, par voie de conséquence, ont une mainmise sur les Bourgmestres et leurs Adjoints.

Toutefois, en vertu du principe juridique de parallélisme de forme et de compétences, selon lequel l’autorité qui nomme, c’est elle qui révoque, les Gouverneurs n’ont pas qualité de destituer ou révoquer un Bourgmestre ou son Adjoint. Cette compétence est l’apanage exclusif du Président de la République qui nomme ces animateurs communaux.

  1. La légalité de la Procédure suivie par le Gouverneur de la Ville de Kinshasa pour suspendre les Bourgmestres

En sa qualité du représentant légal des autorités nationale dans son entité (Province), et en vertu de l’article 95 et 96 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 sur les entités territoriales décentralisés, qui lui donnent pouvoir d’effectuer un contrôle a priori ou a posterio, voire l’article 63 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces qui lui reconnait le pouvoir de superviser les services nationaux se trouvant dans son entités, la procédure suivie par le Gouverneur de la Ville de Kinshasa visant à suspendre quelques Bourgmestres est légale et régulière.

Mais hélas, après avoir suspendu ces autorités municipales, le Gouverneur doit transmettre leurs dossiers auprès du Ministre National de tutelle, qu’est le Ministère de l’intérieur et sécurité, qui appréciera de l’opportunité de maintenir ou pas ladite suspension. Si ce dernier constate que, les griefs formulés contre ces bourgmestres sont fondés, à son tour, il transmettra ces dossiers auprès du Chef de l’Etat pour la révocation.

Bref, la procédure suivie par le Gouverneur de la Ville Province de Kinshasa est légale et régulière conformément à l’analyse sus-faite.

 

Dans la même catégorie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.