Introduction
Les consommateurs constituent le groupe économique le plus important, influant sur presque toutes les décisions économiques publiques et privées [1]. Il est donc fondamental que ces derniers soient protégés contre les éventuels abus des vendeurs. Pour cette raison, les principes directeurs de nations unies pour la protection du consommateur voire certains textes juridiques nationaux consacrent plusieurs droits au profit des consommateurs. Mais malgré ce dispositif normatif, les pratiques commerciales abusives, trompeuses et illégales demeurent perceptibles.
Partant de ce fait, il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité du cadre juridique et institutionnel destinés à protéger les consommateurs. La tentative de répondre à cette question invite à faire un état des lieux (II) avant d’analyser brièvement les obstacles avérés à une protection efficace des consommateurs (III). Mais bien avant, il nous semble important d’évoquer la notion du consommateur (I).
I. La problématique de la notion du consommateur
Il convient de faire observer que la notion du consommateur joue un rôle important en droit de la consommation [2]. Elle est pratiquement la clef d’application des règles protectrices du consommateur. C’est dire que la présence du consommateur dans un contrat permet de tracer la frontière entre le contrat de consommation qui est soumis à des règles particulières et d’autres contrats qui relèvent du droit commun des contrats [3]. D’où la nécessité de savoir exactement qui peut être considéré comme consommateur et bénéficier ainsi de ces règles spéciales.
Aux termes des principes directeurs de nations unies pour la protection du consommateur, le consommateur est « une personne physique sans considération de nationalité, qui agit principalement à des fins personnelles, familiales ou ménagères, étant entendu que les états membres peuvent adopter des définitions différentes pour répondre à leurs besoins nationaux particuliers » [4]. Notons qu’à ce jour la République démocratique du Congo (RDC) ne dispose pas d’une loi consacrée exclusivement à la protection des consommateurs, et les quelques lois éparses qui reprennent certains droits des consommateurs ne définissent pas non plus le concept « consommateur ». Cette tache semble être laissée à la doctrine, Il n’est donc pas aisé de répondre avec précision à la question qui est consommateur ? Certains chercheurs optent pour des définitions extensives de la notion du consommateur qui assimile la personne morale au consommateur. Quoi qu’il en soit, une définition légale précise s’avère nécessaire pour trancher sur la question. Toutefois, nous estimons qu’une définition restrictive de la notion du consommateur aurait l’avantage d’éviter une éventuelle confusion.
Pour conclure, nous considérons pour notre part que le consommateur est une personne physique qui achète ou utilise les biens ou services pour satisfaire ses propres besoins ou ceux de sa famille.
II. L’état des lieux sommaire
Les principes directeurs de nations unies pour la protection du consommateur ont le mérite de reprendre plusieurs droits qu’ils qualifient des « besoins légitimes des consommateurs » et certains de ces droits sont également consacrés dans certains textes que compte l’arsenal juridique congolais. Cependant, l’écart entre les droits consacrés et leur réalisation est grand. A. L’information des consommateurs
Le paragraphe 11 des principes directeurs recommandent aux vendeurs de « communiquer des informations complètes, précises et non trompeuses sur les biens et services, afin de permettre aux consommateurs de prendre des décisions en toute connaissance de cause ». De même, l’article 279 du code civil congolais L III énonce que : « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige, un pacte obscur s’interprète contre le vendeur ».
Il ressort clairement de ces dispositions que l’obligation d’informer revient au vendeur des biens ou services qui doit fournir au consommateur, des informations claires et exhaustives pouvant lui permettre de faire un choix éclairé. Et ces informations concernent notamment le prix, la qualité et quantité des produits ou services voire certains aléas qui peuvent accompagner leur usage [5]. S’agissant du prix par exemple, l’article 12 de la loi no 18 – 020 du 9 juillet 2018 relative à la liberté de prix et à la concurrence fait obligation à tout vendeur de produit ou tout prestataire de services « d’informer le consommateur sur le prix par voie de marquage, d’étiquetage ou par toute autre procédé approprié ».
Le vœu du législateur est certes, de protéger le consommateur, en favorisant son accès aux données essentielles du bien qui peuvent l’éclairer dans ses décisions d’achat, mais sur terrain, dans bien des cas, les biens et services sont vendus sans fournir les informations requises aux consommateurs.
B. La protection des consommateurs contre les risques pour leur santé et sécurité
La protection des consommateurs contre les risques pour leur santé et leur sécurité figure parmi les besoins légitimes énoncés au paragraphe 5 des principes directeurs sus évoqués. En outre, le droit à la sécurité veut que les consommateurs soient protégés contre les risques pour leur santé ou vie [6]. Il en résulte que l’état devrait prendre des mesures appropriées qui permettent de s’assurer que les produits mis sur le marché sont sans danger tant pour l’usage prévu que pour une utilisation normalement prévisible [7]. De ce fait, l’article 69 de l’ordonnance no 72 – 359 du 14 septembre 1972 portant mesures d’exécution de l’ordonnance loi no 72 – 046 du 14 septembre 1972 sur l’exercice de la pharmacie interdit par exemple, le fait de mettre sur le marché ou d’exporter des médicaments altérés ou ne répondant pas aux spécifications exigées. Cependant, le constat révèle que la vente sur le marché des médicaments mal conservés, mal étiquetés ou impropres à la consommation n’est pas rare [8]. Il en est de même des produits alimentaires [9].
III. La nécessité d’un cadre juridique et institutionnel approprié
Il est possible de constater qu’en République démocratique du Congo, l’effectivité des droits des consommateurs se heurte à plusieurs défis. Par ailleurs, une meilleure protection des consommateurs requiert l’élaboration des politiques fortes [10]. A ce jour un grand vide juridique demeure au niveau du cadre institutionnel et règlementaire, du fait qu’aucune loi consacrée exclusivement à la protection des consommateurs n’a encore été promulguée. La protection des consommateurs est donc assurée par des textes isolés, anciens pour la plupart et non adaptés aux réalités économiques actuelles. Ajouté à cela, l’absence des mécanismes institutionnels efficaces de protection des droits des consommateurs ou de règlement de litiges.
Il est donc urgent que la République démocratique du Congo soit dotée d’une loi-cadre relative à la protection des consommateurs, en plus des lois sectorielles et des mécanismes institutionnels efficaces susceptibles d’assurer une meilleure protection des intérêts des consommateurs.
Conclusion
En définitive, il est possible d’affirmer sans ambages que le droit congolais parait peu protecteur à l’égard des consommateurs. L’incohérence des textes juridiques existants aux réalités économiques et technologiques actuelles reste la principale raison. L’adoption des nouvelles lois dans ce domaine demeure une nécessité.
Par ailleurs, une consommation éclairée et responsable ne peut être envisagé sans consommateurs informés. Il est aussi important que l’état, les entreprises et les acteurs du milieu associatif s’investissent dans l’éducation à la consommation, pour permettre aux consommateurs de comprendre leurs droits et obligations, ainsi que les modalités d’accès aux mécanismes de règlement des litiges en cas de préjudice.
Références
- John KENNEDY, « Message spécial au congrès des états unis d’Amérique sur la protection des consommateurs » présenté le 15 Mars 1962, cité par CONFERENCE DE NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT (CENUCED), Manuel sur la protection du consommateur, Nations unies, P. 2, disponible sur https://unctad.org/fr/publicationsLibrary/dictccplp2017d1_fr.pdf (consulté le 12/12/2020)
- Le droit de la consommation est constitué de « l’ensemble des règles spéciales destinées à assurer la protection du consommateur, soit avant qu’il ne s’engage […] soit dans l’exécution du contrat… » voir Gérard CORNU, vocabulaire juridique, 10e éd, PUF, Paris, 2014, P. 248
- Yvette Rachel KALIEU ELONGO, « Réflexion sur la notion de consommateur en droit camerounais : à propos de la soumission des personnes morales à la loi portant protection des consommateurs » in la protection du consommateur au Cameroun : enjeux et défis, P. 16 disponible sur https://kalieu-elongo.cam/wpcontent/uploads/2018/04/la-protection-du-consommateur-au-cameroun.pdf (consulté le 15 juin 2020)
- Voir les principes directeurs de nations unies pour la protection du consommateur § 3, disponible sur https://www.unctad.org/publicationsLibrary/ditccplmisc2016d1_fr.pdf (consulté le 10/12/2020)
- Laurent LEVENEUR, L’obligation d’information et le consentement en droit de la consommation, cité par l’Institut de recherche en droits humains (IRDH), Module sur les droits économiques, sociaux et culturels, Lubumbashi, Janvier 2019, P.47
- CENUCED, op cit, P. 2
- Idem, P. 70
- D’après l’organisation mondiale des douanes, la proportion des médicaments falsifiés en RDC varie entre 40 et 45 %, lire à ce sujet, ORGANISATION SUISSE D’AIDE AUX REFUGIES (OSAR), République démocratique du Congo : traitement des maladies mentales, Berne, 10 Juin 2018, PP. 10 – 11, disponible sur https://www.osar.ch/herkunftslaender/afrika/kongo/-dr-kinshasa/180619-drc-psycherkrankunger-f.pdf (consulté le 20/05/2020)
- Selon l’union pour la protection des consommateurs au Congo (UCODEM), certains produits alimentaires retrouvés sur le marché et super marchés sont souvent avariés et impropres à la consommation. Voir l’article de presse sur https://radiookapi>net/2019/11/05/emission/droits-et-citoyenneté/protection-des-consommateursquelles-sont-les (consulté le 20/05/2020)
- Les politiques de protection des consommateurs comprennent les lois, règlements, mécanismes et programmes […] qui protègent les droits et les intérêts des consommateurs et favorisent leur bien-être. Voir le §14 des principes directeurs de nations unies pour la protection du consommateur.