Les contrats/marchés de sous-traitance désormais ouverts par dérogation aux entreprises étrangères et celles à capitaux non majoritairement détenus par des congolais

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Le ministre des Classes moyennes, Petites et Moyennes entreprises et Artisanat a pris le 6 janvier 2021 un arrêté pour fixer les modalités de gestion des dérogations prévues à l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance en RDC.

La présente analyse se veut d’examiner le cadre juridique de ce régime dérogatoire au regard de la Loi sur la sous-traitance et de ses précédentes mesures d’application.

1. Le régime de principe prévu par l’alinéa 1er de l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance

L’alinéa 1er de l’article 6 de la Loi 17-001 du 8 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance (« Loi sur la sous-traitance ») dans le secteur privé dispose que : « L’activité de sous-traitance est réservée aux entreprises à capitaux congolais promues par les congolais, quelle que soit leur forme juridique, dont le siège social est situé sur le territoire national».

L’alinéa 1er de cet article établit le principe de l’exclusivité des

activités de sous-traitance aux sociétés à capitaux congolais promues par les congolais, il s’agit des entreprises répondant aux critères ci-après :

a) le siège social est situé en République démocratique du Congo;

b) la majorité du capital social est détenue par des personnes

physiques ou morales de nationalité congolaise ;

c) les organes de gestion sont majoritairement administrés par des personnes physiques congolaises ;

d) le personnel est essentiellement constitué des personnes physiques de nationalité congolaise.

2. Le régime d’exception prévu au deuxième et troisième alinéas de l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance

Les alinéas 2 et 3è de l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance prévoient exceptionnellement l’ouverture des activités de sous-traitance sous certaines conditions aux entreprises autre que celles visées à l’alinéa 1er :

«Toutefois, lorsqu’il y a indisponibilité ou inaccessibilité d’expertise énoncée à l’alinéa ci-dessus, et à condition d’en fournir la preuve à l’autorité compétente, l’entrepreneur principal peut recourir à toute autre entreprise de droit congolais ou à une entreprise étrangère pour autant que l’activité ne dépasse pas six mois ; à défaut, elle crée une société de droit congolais.

Le Ministre sectoriel ou l’autorité locale en est préalablement informé ».

Il est prévu en effet, qu’en cas d’indisponibilité ou d’inaccessibilité d’expertise des entreprises répondant aux critères prévus à l’alinéa 1er, les activités de sous-traitance peuvent être exercées par deux types d’entreprises :

a) Toute autre entreprise de droit congolais : il s’agit ici de toute entreprise constituée conformément au droit congolais sans pour autant que son capital social ne soit majoritairement détenu par des personnes physiques ou morales de nationalité congolaise.

b) Une entreprise étrangère : ici il s’agit d’une entreprise constituée sous un droit étranger.

Il ressort de ces deux alinéas que le recours aux entreprises visées ci-dessus (point a) et b)) n’est possible que si l’entrepreneur principal remplit les trois conditions ci-après :

Primo, il doit fournir à l’autorité compétente (ARSP) la preuve de l’indisponibilité ou de l’inaccessibilité de l’expertise visée à l’alinéa 1er de l’article 6.

Secundo, l’entreprise étrangère ne pourra exercer comme sous-traitant en RDC que pour une durée qui n’excède pas 6 mois en établissant une succursale conformément aux articles 116 à 120 de l’Acte Uniforme sur les Sociétés Commerciales et Groupement d’Intérêt Économique (AUSCGIE). Au-delà du délai spécial de 6 mois prévu par la Loi sur la sous-traitance, l’entreprise étrangère devra se constituer en une forme de société commerciale prévue par l’AUSCGIE qui constitue le droit commun des sociétés commerciales en RDC. Cette société devra alors se conformer à l’alinéa 1er de l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance.

Tertio, l’entrepreneur devra préalablement informer le ministre sectoriel ou l’autorité locale du recours aux entreprises visées à l’alinéa 2 de l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance.

3. Les modalités de gestion des dérogations prévues par l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance

La mise en application effective de la Loi sur la sous-traitance a été marquée par la création et la nomination des dirigeants de l’Autorité de Régulation de la Sous-traitance dans le secteur privé, (ARSP) ainsi que l’adoption des mesures d’application de la Loi sur la sous-traitance : le Décret 18/019 du 24 mai 2018 qui sera ensuite modifiée par le Décret n° 20/024 12 octobre 2020.

Ce dernier texte a inséré un article 10 bis qui prévoit la détermination des modalités de gestion des dérogations, du fait de l’indisponibilité ou de l’inaccessibilité de l’expertise locale, par voie d’arrêté du ministre de tutelle, sur proposition de l’ARSP.

Cette dérogation a pour but de permettre à une entreprise principale tout comme à une entreprise non éligible à l’application de la Loi sur la sous-traitance de conclure des contrats/marches de sous-traitance dans le secteur privé.

La dérogation est accordée sans frais, sur décision du Directeur général de l’ARSP sur requête de l’entreprise intéressée ayant remplies les conditions fixées par l’Arrêté sous-examen. Tout refus d’octroi de ladite dérogation doit être dûment motivée et est susceptible d’un recours administratif.

La durée maximum de la dérogation accordée est de six (06) mois et l’entreprise qui en bénéficie doit s’engager formellement à assurer la formation du personnel congolais dans le secteur d’activités concernée. Toutefois, l’Arrêté sous examen prévoit, en raison de la spécificité de certains marchés, d’accorder des dérogations permanentes ou pour une durée supérieure à six (06) mois.

Le bénéficiaire d’une telle dérogation est tenu de payer un prélèvement de 1,2 % sur le montant facturé à l’occasion de la conclusion d’un marché de sous-traitance, hors TVA. Le redevable légal en est l’entreprise principale et le redevable réel en est l’entreprise sous-traitante.

Il est important en conclusion de remarquer que l’adoption d’un régime juridique propre à la sous-traitance dans le secteur privé est parti du constat qu’un grand nombre d’investisseurs étrangers via les filiales des multinationales constituées en entreprises congolaises à capitaux étrangers exécutaient à la fois les activités principales et les activités qui leur sont annexes ou connexes seules ou par des entreprises étrangères recrutées par elles.

D’où est apparu la nécessité de rendre obligatoire la sous-traitance des activités annexes et connexes de l’activité principale et à la réserver, quelle que soit sa nature, aux entreprises congolaises à capitaux congolais en vue d’assurer la promotion et favoriser ainsi l’émergence d’une classe moyenne congolaise (cf. Exposé des motifs de la Loi sur la sous-traitance).

L’on peut craindre que ce régime dérogatoire devienne le régime de principe et fasse dévier la Loi sur la sous-traitance de son objectif premier. En outre, l’Arrêté semble aller a contrario même des dispositions légales de l’article 6 al.3 de la Loi sur la sous-traitance qui n’a pas prévu un régime d’autorisation mais plutôt d’information préalable. Il en est de même de la durée d’exercice à titre exceptionnel d’une activité de sous-traitance qui, par la volonté de la Loi sur la sous-traitance est de six mois sans possibilité d’un exercice permanent.

Sur un autre aspect, il sied de relever que la question récurrente de la preuve de l’indisponibilité ou de l’inaccessibilité de l’expertise visée à l’alinéa 1er de l’article 6 de la Loi sur la sous-traitance demeure entière et n’a pas pu être explicitée par les différentes mesures d’application prises à ce jour.

A notre humble avis, l’Arrêté sous examen reste en définitive purement superfétatoire puisque la Loi sur la sous-traitance est déjà assez claire sur les conditions d’application de la dérogation qu’elle prévoit (art. 6 alinéa 2). L’on retiendra que l’unique but de cet Arrêté a été de vider le régime juridique de la sous-traitance de son essence première telle que voulue par le législateur.

 

 

 

 

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