Avantages et risques liés à l’adhésion de la RDC à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf)

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La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) dont le projet adopté dans l’enthousiasme le 21 mai 2018, aurait dû formellement entrer en vigueur le 30 mai 2019 mais repousser au 1 janvier 2021 suite à la pandémie de la Covid-19, et ce après le dépôt de la 22ème ratification auprès de la Commission de l’Union africaine (UA). Cette ratification a permis d’atteindre le seuil minimal requis de l’Accord pour déclencher son entrée en vigueur.

La ZLECLAF est un vieux projet. Selon les objectifs du Traite d’Abuja de 1991, le processus d’intégration de l’Afrique devait être achevé par la création de la Communauté économique africaine selon une approche séquentielle en six étapes de 34 ans. La ZLECLAF vise la réduction des tarifs douaniers pour 90 % des produits et la mise en place d’un marché libéralisé des services entre les États membres de l’UA.

Il est clair que depuis l’aube du nouveau millénaire l’UA et les divers processus connexes ont suscité une grande dynamique autour des questions de développement en Afrique. Cependant, malgré tous les progrès réalisés pour concentrer les esprits sur le projet jumeau d’unité et d’intégration, de nombreux grands défis restent à relever. La plupart d’entre eux révèlent les faiblesses des efforts d’unité et d’intégration tels qu’ils se sont poursuivis depuis les années 60. Ils expriment également les pressions émanant de l’extérieur du continent quant à l’orientation du développement africain et la stratégie qui la fonde à tout moment dans le temps.

De plus, ils touchent à certaines préoccupations concernant l’adéquation institutionnelle, notamment l’ajustement excessif des institutions d’intégration sur le modèle de l’UE. Un signe des progrès limités enregistrés dans le domaine de l’intégration transformative est le fait que les échanges et les investissements formels intra-africains restent minuscules alors que la part de l’Afrique dans les échanges et les investissements mondiaux est dérisoire.

Un élément clé des difficultés incessantes auxquelles est confronté l’agenda d’intégration africaine reste le caractère dissonant du processus de coopération et d’intégration sous régionale. Bien que plusieurs leaders africains aient pris des mesures hardies pour rationaliser les CER et que l’UA en ait officiellement reconnu huit d’entre elles, le contexte plus large de la prolifération et de la fragmentation des institutions reste inchangé. Dans l’état actuel des choses, la plupart des CER fonctionnent à leur propre rythme.

Ce rythme est fortement lié aux influences et aux intérêts des donateurs extra-africains. En effet, comme elles dépendent autant de l’aide des donateurs que de nombreuses institutions d’intégration africaine, il y a de bonnes raisons de considérer ces CER comme des entités de plus en plus dépendantes de donateurs et dont les processus stratégiques sont susceptibles, comme ils l’ont déjà été, d’être détournés par des intérêts extérieurs.

1. Avantage annoncé de la ZLECAF

1.1 Sur le plan Continental

La Zone constituera un marché de 1,2 milliard d’individus pour un PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars. Si elle est effectivement mise en place, la ZLECAF sera le plus grand espace de libre-échange du monde.

Grâce à la libéralisation progressive des échanges de marchandises et des services, les fournisseurs auront accès aux marchés de tous les pays africains à des conditions non moins favorables que celles des fournisseurs nationaux. La libéralisation des échanges entre les pays africains facilitera la mise en place de chaînes de valeur régionales dans lesquelles des intrants seront fournis par différents pays africains afin d’ajouter de la valeur avant d’exporter à l’extérieur.

Pour se protéger des pics imprévus des marchés mondiaux, les États auront recours à des mesures correctives commerciales pour faire en sorte que les industries nationales puissent être sauvegardées, si nécessaire. Un mécanisme de règlement des différends offrira un moyen, fondé sur des règles, de résoudre les différends pouvant survenir entre les États parties lors de l’application de l’accord.

Enfin, les négociations de la ≪ phase deux ≫ créeront un environnement plus propice à la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle en Afrique, a la facilitation des investissements intra-africains et au traitement des problèmes anticoncurrentiels.

1.2. Avantage pour la RDC

Fort de sa situation géographique stratégique avec ses neuf voisins frontaliers, combiner avec son potentiel hydroélectrique ainsi que minière et comptant sur sa population relativement jeune estimée à 60% de ses 80 millions d’habitants, la RDC pourrait être le pays catalyseur et accélérateur de l’intégration régionale en Afrique.

Pour faciliter les échanges commerciaux entre le nord et le sud, l’Est et l’Ouest, il faudrait compter sur la RDC comme canal de passage (par voie routière, aérienne et ferroviaire). Des projets intégrateurs comme le pont-route-rail, ou l’ouverture des corridors frontaliers pourraient permettre la mobilité des personnes, des services et des biens.

Le barrage d’Inga reste notre atout majeur pour propulser l’industrialisation de l’Afrique. Exécuter ce projet donnera des fortes et importantes retombées à la RDC sur le plan financier, économique, diplomatique et stratégique.

La libération du marché incitera aussi la main d’œuvre locale à devenir plus compétitive par ce qu’ouvrant la porte à la concurrence des produits fabriqués dans d’autres pays de l’espace Africain.

2. Impact de l’adhésion de la RDC à la ZLECAF

Comme évoqué dans le point précèdent, la ZLECAF présente certes des avantages quand il est pris sur l’ensemble de l’Afrique mais nous estimons que des effets pervers de cette intégration continentale pourraient avoir des impacts forts négatifs pour l’Afrique en général et la RDC en particulier

2.1 Impact Négatif sur l’Afrique.

A.  Suppression des droits de Douane

Peu d’économies des pays africains pourraient résister aux ondes de choc de l‘ouverture de leurs marchés à tout le continent. La plupart de pays africain ont une économie mal structurée et presque dépendante des droits de douane qui alimentent essentiellement leur budget interne.

Or intégrer la ZLECAF c’est supprimé plus de 90% des droits de douane d’ici 15 ans. Par conséquent des États se verront priver de leurs moyens financiers pour faire face aux besoins de leur population ouvrant ainsi par ricochet le chemin à des revendications et contestations déjà existant mais encore non résolues de la population sur la prise en charge de leurs besoins sociaux élémentaires.

B.  La multi-appartenance à des CER par des pays Africains

La stratégie d’intégration de l’UA est fondée sur l’existence des Communautés économiques régionales (CER) comme ≪ socles ≫ pour aboutir à la création d’un bloc commercial continental unique. Un espoir qui s’inscrit dans le long terme et qui passe nécessairement par la consolidation puis par la synchronisation des diverses entités régionales existantes. Les organisations régionales en Afrique sont nombreuses et forment une architecture complexe et plus ou moins dynamique. On en compte aujourd’hui 14 censés représenter autant d’espaces de libre circulation des personnes, des biens et des services. Certains États sont membres de plusieurs organisations à la fois. Elles forment une sorte de bol de spaghettis.

La question de chevauchement des appartenances des États membres dans de nombreuses CER continue de poser un défi de démarrage important et demeure un obstacle insoluble a une intégration régionale et continentale plus poussée.

Le chevauchement des adhésions des États membres a de nombreuses CER aggrave non Seulement les problèmes persistants de financement et de capacités humaines à l’appui des programmes régionaux, mais pose également des problèmes de coordination efficace des politiques et des programmes pour favoriser une intégration régionale et continentale plus étroite et plus profonde (Commission de l’Union africaine, 2019, p.2).

C. Absence réelle de volonté politiques des animateurs Africains

Les pays africains souhaitent souvent bénéficier de l’accès aux marchés mais rechignent à ouvrir les leur en contrepartie. Une sorte d’hypocrisie entretenue. Aussi il est plus facile pour un nord-américain de circuler dans toute l’Afrique qu’un Africain lui-même.

Une autre réalité à tenir en compte est la situation médiocre des infrastructures, des procédures douanières et d’immigrations restrictives, des conflits persistants entre États, une mauvaise coordination des politiques ainsi que d’énormes contraintes financières et humaines.

2.2 Impact négatif de la ZLECAF sur la RDC.

Rappelons que la ZLECAF en soit ne constitue pas un problème, la réalité est qu’il se constate des réalités endogènes à la RDC qui favoriseront des effets pervers sur notre économie.

A.  Dépendance des droits de douane.

La RDC importe plus et exporte peu. Les biens exportés sont essentiellement des matières premières à l’état quasi-brut. Ce sont ces exportations qui font vivre la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) et par conséquent le budget de la RDC. Aucune politique de transformation de matière première (minerai, bois et autres produits).

Vue cet angle, les 80 millions de congolais seront considérés comme un grand marché de consommateur pour les pays à fort potentialité industrielle (Kenya, Ethiopie, RSA, Angola et Egypte). La Bralima a dû fermer son usine de production de bière à Boma lorsque le marché de Lufu a été ouvert. Imaginons des tels scenarii sur l’ensemble de la RDC, nous risquons de tuer le marché local pour consommer les produits extérieurs.

B. Intégrer d’abord le marché congolais

Il est illusoire de vouloir intégrer les États Africains alors qu’en RDC les provinces ne sont presque pas intégrées. Il n’existe pas d’échanges structurés entre les différents produits de nos 26 provinces. Le fromage de Goma n’est pas visible sur le marché du Lualaba, le poisson fumé de de l’Équateur n’est pas vendu au Sud Kivu, le bitoyo de Kalemie n’est pas vendu au Bas Congo. Aucune politique incitative des échanges intra-urbain, or c’est un marché de 80 millions d’habitants qui est négligé.

Il en est de même pour la circulation des personnes, les congolais circulent difficilement l’intérieur du pays à cause soit des problèmes liés aux infrastructures soit alors à cause de cout exorbitant (Kinshasa-Lubumbashi).

C. Faiblesse de notre économie et de l’appareil judiciaire

Nous devons reformer notre système économique, repenser le modèle économique. C’est une priorité et une nécessité. Cette tache devra revenir aux techniciens de l’économie, loin des querelles politiques et politiciennes. Parmi ces réformes, il faudra insister sur les nettoyages des textes légaux existant qui sont souvent contradictoires voir inapplicables, repenser le système fiscal et douanier.

Mettre en place une politique de l’industrialisation du pays. Accélérer la mise en place des zones économiques industrielles. Établir un état de droit.

D. Multi-appartenance de la RDC dans des CER

La RDC est membre d’au moins 3 Communautés économiques et est signataire d’un APE avec l’UE. Elle reprendra bientôt avec l’AGOA. Ces appartenances n’apportent rien de concret à la RDC car nous n’avons pas d’industries capables de rivaliser avec des majors américain ou européen.

Nous devons redéfinir nos emboutions et opter pour des partenariats stratégiques. Qu’il s’agisse d’un accord bilatéral ou multinational, c’est la RDC qui doit d’abord gagner.

Recommandations

  1. Envisager de quitter la SADEC et le COMESA pour prendre le leadership de la CEEAC;

  2. Revoir l’opportunité de continuer avec les APE à défaut, privilégier plutôt des accords bilatéraux avec des pays qui nous seront plus bénéfiques;

  3. Adopter la même posture que le Nigeria sur la ratification de la ZLECAF;

  4. Accélérer la mise en place des Zones économiques industrielles;

  5. Entamer et finaliser le projet Grand Inga;

  6. Mener une étude stratégique sur les besoins réels des marchés africains et les types de produits/services que nous pouvons offrir;

  7. Financer les PME Congolais afin de leurs permettre de transformer localement les produits à exporter;

  8. Encourager l’entreprenariat féminins et des jeunes;

  9. Intégrer les provinces en construisant des infrastructures modernes et adaptées;

  10. Accorder le droit d’entrée court séjours aux africains sous réserve de réciprocité à une catégorie de personnes. (Étudiant, chercheurs et touristes).

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