COVID – 19 en RD. Congo : Nécessité de la mise en œuvre concrète du droit à la santé

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Introduction

Mars 2020, a été annoncé le premier cas de COVID-19 en République démocratique du Congo (RDC) [1]. Cette pandémie a profondément bouleversé le pays voire l’Afrique entière avec des conséquences incommensurables [2]. Cependant, il convient de remarquer que le COVID-19 n’a pas eu que des « retombées négatives », sa présence nous a aussi révélé des précieuses informations, sur le plan économique, social, politique et humain.

Le séjour « indésirable » du COVID-19 en RDC a par exemple démontré que le droit à la santé est loin d’être garanti pour tous. Avec moins d’infrastructures et d’équipements médicaux voire une dépendance d’importation des produits pharmaceutiques essentiels, il y a lieu de croire que l’effectivité de ce droit fondamental demeure un défi pour la RDC. Le présent article se propose donc d’analyser brièvement l’effet du COVID-19 sur l’exercice du droit à la santé (II). Après l’examen du contenu normatif (I) et des obligations minima de l’Etat à l’égard de ce droit (II).

I. Le contenu normatif du droit à la santé

Le droit à la santé est inscrit dans le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). C’est dire que ce droit bénéficie d’une indiscutable protection au niveau international. L’article 12 du PIDESC le définit comme : « Le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre… ». Et l’article 47 de la constitution de la RDC tel que modifiée à ce jour, le consacre également en ces termes : « Le droit à la santé et à la sécurité alimentaire est garanti… ».

Il convient de faire remarquer que le droit à la santé est souvent limité à l’accès aux soins de santé et à la construction des hôpitaux. Il a Cependant, une portée bien plus large. Ainsi, ce droit garanti notamment : (a) le droit à un système de santé [3] offrant à tous la possibilité de bénéficier du meilleur état de santé possible ; (b) le droit à la prévention et au traitement ainsi qu’à la lutte contre les maladies ; (c) l’accès aux médicaments essentiels ; (d) l’accès en temps voulu aux soins de santé acceptables, d’une qualité satisfaisante et d’un coût abordable, etc. Notons en outre que ce droit garanti également des libertés comme celle de refuser un traitement médical pour lequel, le patient n’est pas consentant [4].

II. Les obligations de l’État à l’égard du droit à la santé

Le droit à la santé n’est pas à confondre avec le droit d’être en bonne santé. C’est dire que l’état ne peut pas assurer la bonne santé, mais doit garantir le droit de jouir des biens et services dans les conditions qui permettent d’atteindre « le meilleur état de santé physique et mentale possible ». Ainsi, l’article 2 du PIDESC contraint les états parties au pacte, d’assurer progressivement le plein exercice des différents droits proclamés par le pacte. S’agissant du droit à la santé comme d’autres droits, l’état a l’obligation de le respecter, le protéger et le mettre en œuvre ou le réaliser.

L’obligation de respecter veut que l’État s’abstienne d’entraver directement ou indirectement l’exercice du droit à la santé [5]. Il doit veiller à ne pas refuser ou restreindre l’accès aux services de santé par exemple. Ensuite l’obligation de protéger impose à l’État de prévenir les violations du droit à la santé par toute autre personne. Enfin, l’obligation de mettre en œuvre ou de donner effet requiert que l’État agisse ou adopte des mesures appropriées pour assurer la pleine réalisation du droit à la santé.

III. L’effet du COVID – 19 sur le droit à la santé

Il ressort des textes juridiques évoqués ci – haut que l’État (pouvoirs publics) garanti l’accès par chacun en temps utile, aux soins de santé de qualité [6]. Mais le système congolais de santé « dégradé » ne permet pas à la majorité des citoyens de jouir pleinement de ce droit, compte tenu de l’insuffisance ou l’indisponibilité des établissements, des biens et des services de santé.

En outre, la pandémie de COVID – 19 qui est certes un problème majeur pour la RDC vu la multiplicité des cas, affecte d’avantage la situation et l’exercice du droit à la santé. Dans les établissements de santé publique par exemple, les équipements, le personnel et les financements font défaut, des nombreux établissements n’ont même pas accès à l’eau salubre et à des services d’assainissement [7]. Ainsi, dans la plupart des cas, certaines autorités congolaises comme certains citoyens victimes de COVID – 19 ou d’autres maladies préfèrent se faire soigner à l’étranger.

Par ailleurs, les coûts exorbitants des services de santé exigés par la majorité d’établissements médicaux privés constituent également une menace pour la disponibilité et l’accessibilité des biens et services de santé. Finalement, « le droit de jouir du meilleur état de santé possible » parait un mythe pour la plupart des citoyens.

 Conclusion

Malgré la consécration du droit à la santé par plusieurs instruments juridiques internationaux comme nationaux, il faut cependant, se rendre à l’évidence et reconnaitre qu’en RDC, l’effectivité du droit à la santé se pose, ce droit est loin d’être garanti pour tous. Il est donc urgent que l’Etat congolais prenne des mesures législatives, administratives voire budgétaires concrètes afin d’assurer la réalisation du droit à la santé dont l’importance pour l’exercice d’autres droits fondamentaux ne plus à démontrer.

 

Daniel KIJAJA KIJAJA

Défenseur judiciaire près le TGI de Lubumbashi

Chargé de cours, Université panafricaine de Lubumbashi

Chercheur à l’Institut de recherche en droits humains

danielkijaja@gmail.com

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Notes bibliographiques

1.  Voir l’OMS en Afrique, Premier cas de COVID – 19 en République Démocratique Congo, disponible sur https://www.afro.who.int/fr/news/premier-cas-de-covid-19-confirme-en-republique-democratique-du-congo (consulté le 15 Janvier 2021)

2. La commission économique pour l’Afrique estime par exemple qu’ « un confinement total d’un mois dans toute l’Afrique couterait au continent environ 2,5 % de son PIB annuel soit l’équivalent de 65,7 milliards de dollars » voir NATIONS UNIES, COMMISSION ECONOMIQUE POUR L’AFRIQUE, COVID – 19 : stratégies de deconfinement pour l’Afrique, Addis-Abeba, 2020, P. 1, disponible sur https://www.uneca.org/fr/eca-covid-19-response (consulté le 25 Mai 2020)

 3. « Le système national de santé est l’ensemble cordonné des structures, des personnes et d’activités qui assurent la prévention des maladies, le maintien, la restauration et la promotion de la santé au bénéfice de la population » voir l’article 4 de la loi n° 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la santé publique.

 4. HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME (HCDH) ET ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE (OMS), Le droit à la santé, Fiche n° 31, Pp. 3 – 4  disponible sur https://www.ohchr.org/publications/factsheet31_fr.pdf (consulté le 5 décembre 2020)

5. HCDH et OMS, op cit, P. 32

6. Voir également MINISTERE DE LA JUSTICE ET DROITS HUMAINS, vade mecum des droits fondamentaux et devoirs du citoyen, Kinshasa, Octobre 2015, P. 39

7. Voir UNICEF, La RDC confrontée à l’épreuve du COVID – 19, disponible sur https://www.unicef/fr/article/la-rdc-confrontee-l-epreuve-du-covid-19 (consulté le 10 janvier 2021)

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